Interview depuis Conakry, 10.09.2014
Dr Yansané Mohamed Lamine, MS
Dr Faza Mohamed Diallo, MS
Dr Mara Karifa , OMS
En Guinée, la mobilisation contre l’épidémie Ebola a déstabilisé le système de santé et, qui plus est, elle a généré des rumeurs parmi les patients et certaines “psychoses” parmi le personnel soignant. À leur arrivée au centre de santé, certaines femmes en travail ont été diagnostiquées avec Ebola sans que rien ne le laisse prévoir; les vaccins sont accusés de tous les maux; le nombre de consultations prénatales est en chute libre; les accouchements assistés aussi. Il est à craindre que la baisse de fréquentation des structures de santé, désormais perçues comme un endroit où l’on va mourir seul, ne fasse baisser durablement les indicateurs relatifs à la santé maternelle, néonatale et infantile.
En Guinée, la mobilisation contre l’épidémie Ebola a déstabilisé le système de santé et, qui plus est, elle a généré des rumeurs parmi les patients et certaines “psychoses” parmi le personnel soignant. À leur arrivée au centre de santé, certaines femmes en travail ont été diagnostiquées avec Ebola sans que rien ne le laisse prévoir; les vaccins sont accusés de tous les maux; le nombre de consultations prénatales est en chute libre; les accouchements assistés aussi. Il est à craindre que la baisse de fréquentation des structures de santé, désormais perçues comme un endroit où l’on va mourir seul, ne fasse baisser durablement les indicateurs relatifs à la santé maternelle, néonatale et infantile.
La région forestière où se trouve l’épicentre de l’épidémie souffrait, avant cette crise, d’une pénurie chronique en infirmiers diplômés d’Etat, en sages-femmes et en médecins. La région était déjà vulnérable au sein d’un système de santé fragile et sous-financé. Le plan santé triennal prévoyait le recrutement de 50 IDE et de 50 SF par an dans la région. Aujourd’hui, pour assurer les besoins en santé maternelle, néonatale et infantile, il en faudrait le double, voire le triple.
S’il est urgent d’agir, il est aussi urgent de réfléchir pour inscrire l’action des partenaires multilatéraux dans une approche systémique et éviter que ces interventions ne restent verticales et ponctuelles. Ce qu’il faut éviter, c’est drainer temporairement des ressources et des personnels sans s’attacher à renforcer le système dans son ensemble.
Plus de 500 personnels pour combattre Ebola
En Guinée, le personnel de la santé, qui est en première ligne, a fait preuve de courage et de dynamisme. Une cinquantaine de membres du personnel soignant ont contracté le virus au contact des malades, mais contrairement à ce qui s’est passé ailleurs, on a assisté à une inscription en masse pour travailler dans les zones menacées, et personne n’a fui après sa formation; toutes catégories confondues, ce ne sont pas moins de 500 personnes qui ont été redéployées. Une prime de risque est accordée à ce personnel à hauteur de $50 par jour. Grâce à un financement de la Banque mondiale, un capital décès de $10’000 et une assurance maladie vont être aussi mis en place.
Mais le travail du personnel de santé reste considérablement entravé par les rumeurs qui circulent et qui accusent tour à tour qui MSF, qui les expatriés, qui le personnel de santé, qui les vaccins de donner Ebola. La Guinée a mis en place une vaste campagne médiatique où le Président de la République apparaît régulièrement; malgré cela, une cinquantaine de villages situés en zone forestière se sont fermés au personnel de santé à cause de ces fausses informations. Nous avons fait appel à des personnes revêtues d’une autorité traditionnelle ou religieuse pour négocier l’ouverture de ces villages au personnel soignant, et nous sommes souvent arrivés dans des théâtres d’infection massive. Quelques villages sont encore complètement résistants et menacent de constituer des réservoirs pour la maladie.
Le cri du cœur de la présidente de MSF à l’ONU – et le plaidoyer de l’OMS – ont récemment permis aux grands bailleurs de débloquer des fonds pour les pays concernés. Pour contenir l’épidémie, le pays manque encore de cliniciens pour les centres de traitement Ebola, d’agents de sanitation et de suivi du contact avec les malades et de médecins superviseurs. Plusieurs médecins diplômés sans emploi ont été contractualisés; des volontaires de la Croix-Rouge se consacrent à la désinfection; des agents de santé communautaires se chargent du suivi avec les malades; les comités d’hygiène ont été réactivés dans les structures de santé pour distribuer le matériel de prévention des infections (gants, bonnets, bavettes, kits de lavage des mains) et s’efforcer qu’il soit systématiquement utilisé. Mais cela ne suffit pas, car l’épidémie a désorganisé tout le système.
Les populations se méfient du système de santé, et les personnels craignent pour leur sécurité. Les survivants de la maladie Ebola, y compris le personnel de santé, sont aussi victimes de stigmatisation. Ils ont besoin d’un appui psychosocial après la guérison clinique et biologique. Le travail de plaidoyer de l’OMS et les activités de liaison qui sont menées pour motiver et fidéliser le personnel de santé sont essentielles pour ramener la crédibilité du système de santé dans son ensemble, et reconquérir les patients et la population. L’espoir de la sortie de crise, pour nous, c’est un nouveau regard sur le système de santé. Nous comptons sur les partenaires de développement pour nous accompagner.