Introduction
En Afrique de l’Ouest, les ratios de mortalité maternelle sont estimés à 1 020/100 000 naissantes vivantes, alors qu’ils sont de 17/100 000 en Europe occidentale [93]. Ils y sont, en cette fin du XXe siècle, du même ordre de grandeur que ce qu’ils étaient en Europe au XVIIIe siècle [54,97]. Les taux observés dans les grandes villes d’Afrique de l’Ouest (environ 350/100 000) sont identiques à ceux de l’Europe ou des USA dans les années 1930 [54, 75]. C’est à partir de cette période que la mortalité maternelle a commencé à diminuer d’une manière importante dans les pays industrialisés grâce aux progrès médicaux (césarienne segmentaire, antibiothérapie, anti-hypertenseurs, transfusion sanguine) [1, 97, 125]. En Afrique subsaharienne, les ratios de mortalité maternelle ne semblent pas avoir diminué, sauf, peut-être, dans les métropoles.
Ce n’est que très récemment que la mesure de la fréquence de la mortalité maternelle a fait l’objet d’enquêtes rigoureuses. Faute de données antérieures fiables, il est difficile d’en suivre l’évolution. Mais les taux observés indiquent une situation catastrophique, y compris en milieu urbain, malgré la forte concentration de personnels médicaux et para-médicaux et de moyens. Les études épidémiologiques ont permis de mieux connaître les causes médicales des décès maternels [102]. Dans le même temps, de gros progrès ont été réalisés dans les pays industrialisés dans la compréhension des mécanismes physiopathologiques des complications maternelles et néonatales, grâce notamment à l’apport de l’épidémiologie d’évaluation [17]. Ces progrès dans la connaissance des causes médicales doivent permettre d’élaborer des programmes d’action. Mais les causes non médicales de cette situation doivent être recherchées pour mettre au point les stratégies les plus pertinentes. La mortalité maternelle est un problème de santé publique extrêmement complexe.
En effet, la grossesse n’est pas une maladie; ses déterminants sont multifactoriels et relèvent de disciplines très diverses (obstétrique, épidémiologie, santé publique, démographie, sciences sociales) ; les actions à entreprendre relèvent donc, elles aussi, d’approches très variées (Figure 1). Nous tentons ici de présenter une analyse de situation et de proposer des perspectives.